… ou plutôt qu’on le dérange avec des questions alors qu’il est occupé à donner des milliards de réponses à la seconde … Le langage d’un Bergson ou d’un Bachelard dont l’épure, la musique et les images laissent pantois :
Extraits de: Gaston Bachelard, La formation de l’esprit scientifique.
“Notre esprit a une irrésistible tendance à considérer comme plus claire l’idée qui lui sert le plus souvent” (Bergson)
“L’idée gagne ainsi une clarté intrinsèque abusive. A l’usage, les idées se valorisent indûment.” (Bachelard)
“En particulier, c’est verser dans un vain optimisme que de penser que savoir sert automatiquement à savoir, que la culture devient d’autant plus facile qu’elle est plus étendue, que l’intelligence enfin, sanctionnée par des succès précoces, par de simples concours universitaires, se capitalise comme une richesse matérielle.
En admettant même qu’une tête bien faite échappe au narcissisme intellectuel si fréquent dans la culture littéraire, dans l’adhésion passionnée aux jugements du goût, on peut surement dire qu’une tête bien faite est malheureusement une tête fermée. C’est un produit d’école.
En fait, les crises de croissance de la pensée impliquent une refonte totale du système du savoir. La tête bien faite doit alors être refaite. Elle change d’espèce. Elle s’oppose à l’espèce précédente par une fonction décisive.
Par les révolutions spirituelles que nécessite l’invention scientifique, l’homme devient une espèce mutante, ou pour mieux dire encore, une espèce qui a besoin de muter, qui souffre de ne pas changer.”
(Bachelard)
Le neuroscientifique Hervé Chneiweiss : “Nos cerveaux sont à peu près identiques, mais tout se joue dans cet à peu près”
Quand la neuroscience rejoint les intuitions ou démonstrations des philosophes, l’étude du cerveau devient passionnante.
Avec les fake-news, on découvre aussi que notre cerveau adore se fier à ses croyances, vraies ou fausses…
Le mode de fonctionnement de base du cerveau, ce sont les émotions et la rapidité. Il se fie donc en priorité à ce qui est le plus facile d’accès pour lui, et le plus facile, c’est ce qu’il sait déjà… ou croit savoir.
Quand vous êtes dans un groupe Facebook et que vos copains pensent tous la même chose, il est bien plus simple pour votre cerveau d’adhérer à ce que les autres croient que de dépenser toute son énergie cognitive pour contrecarrer leurs arguments.
Tous ces biais que l’on retrouve dans les fake-news sont en fait des facilitateurs de pensée : ils évitent de « perdre son temps » à repenser une question.
Pour avoir le résultat juste, il faut prendre le temps de vérifier ses informations — et ça, notre cerveau n’aime pas trop.
Enfin comment ne pas évoquer la mémoire d’un grand penseur du XXe siècle, qui aurait adoré le déferlement des fake-news sur les réseaux sociaux :
“Ce n’est pas parce qu’ils sont nombreux à avoir tort
qu’ils ont raison.”
(Michel Colucci dit Coluche)